Pourquoi pêchait-on les baleines au XIXe siècle ?
Le lecteur d’aujourd’hui, lorsqu’il découvre l’histoire du Serpent de mer, peut être surpris par l’importance qu’occupe la pêche à la baleine dans ce récit. On sait que les grands cétacés sont des espèces menacées d’extinction, que beaucoup de pays en ont interdit l’exploitation pour tenter de les protéger. Rien de tel au XIXe siècle, où la ressource, au départ abondante, est l’objet d’une véritable industrie, comme en témoigne le roman de Jules Verne : des flottes de baleiniers sillonnent les zones de pêche, et la concurrence est féroce : il s’agit d’harponner le plus grand nombre de baleines et de cachalots possible, de les dépecer à bord, d’en faire fondre la graisse pour en recueillir l’huile dont on fait alors grand usage, tant pour l’éclairage (l’électricité ne s’imposera que plus tard) que pour la lubrification des pièces mécaniques. Cela explique la nécessité de la présence à bord d’un tonnelier, car il est indispensable de disposer d’un professionnel qui sache fabriquer et réparer les barriques, et qui s’occupe du stockage de l’huile, depuis la fonte de la graisse jusqu’au placement des tonneaux dans la cale : c’est pourquoi le Capitaine Bourcart doit se résoudre, lors du premier chapitre, à solliciter Jean-Marie Cabidoulin, seul tonnelier encore disponible sur le port du Havre, en dépit de sa réputation d’oiseau de mauvais augure, car sans lui, impossible de mener à bien une campagne de pêche.
On utilise aussi les fanons des baleines, ces cartilages souples dont certaines espèces sont pourvues à la place des dents, qui permettent de fabriquer des armatures de parapluie ou de corset, mais aussi le cuir dont on fait des ceintures, et, pour les cachalots, le précieux ambre gris qui entre dans la composition des parfums. Pour accumuler le plus grand nombre de prises, tous les coups sont permis : là encore, Jules Verne, lorsqu’il dépeint la rivalité entre le Saint Enoch et le Repton, donne une représentation vraisemblable d’une pêche soumise à la spéculation.
Néanmoins, Jules Verne prend soin de nous montrer que cette activité, jusque-là florissante, est en train d’évoluer. Si la première partie de la campagne est fructueuse, et permet au capitaine Bourcart de dégager beaucoup de profit en vendant son stock d’huile à Vancouver, où les prix sont supérieurs à ceux pratiqués en Europe, la seconde partie du récit nous montre les difficultés que rencontre le baleinier à trouver des zones de pêche, les cétacés se faisant rares. Il faut aller de plus en plus loin pour en chercher, et les efforts de l’équipage ne sont pas tous, loin s’en faut, couronnés de succès. De fait, les populations de baleines et autres grands cétacés diminuent, et, si la pêche perdure durant la première moitié du XXe siècle, la situation devient tellement préoccupante qu’en 1946 la Commission Baleinière Internationale est créée dans le but de réguler la pêche et de préserver la ressource. La chasse à la baleine disparaît progressivement des océans, mais il demeure encore aujourd’hui quelques pays qui s’obstinent à la pratiquer, comme l’Islande, le Japon ou encore la Norvège.
Dangers of the whale fishery
[Illustrations de An Account of the Artic Regions with a history] / R.K. Greville, dess.; W.D. Lazars, grav. ; W. Scoresby, aut. du texte Greville, Robert Kaye (1794-1866). Dessinateur
La Pêche à Baleine dans les mers du Sud
de Jean Nédelec, 1909
Les pauvres baleines
Je l’ai plein personnellement